INTERVIEW - Valentine : donner naissance en Inde en mission humanitaire, vivre dans un bidonville avec un nourrisson
Voici l'histoire de Valentine, qui a accouché en Inde de son petit garçon alors qu'elle effectuait pendant deux ans une mission humanitaire avec son conjoint dans un bidonville. Un début d'histoire très marquante et inspirante que je vous laisse découvrir ci-dessous!
Clémence : Bonjour Valentine, je suis très heureuse de te recevoir aujourd'hui pour pouvoir parler de ton expérience en Inde! Peux-tu te présenter ?
Valentine : Oui tout à fait je suis donc Valentine, aujourd'hui je développe Douce Maternelle, qui a un réseau maternelle d'écoles bilingues pour les enfants de 2 à 6 ans. Je suis probablement interviewée aujourd'hui parce que on a vécu deux ans en Inde avec mon compagnon, et j'ai eu Marcel qui est arrivé durant notre séjour en Inde.
Dans quel contexte est-ce que vous êtes partis en expatriation?
Valentine : On a tous les deux fait une école de commerce, et on avait des boulots à Paris très sympa. On a décidé de démissionner pour faire un volontariat de solidarité internationale : c'est assez peu connu, mais c'est c'est super intéressant comme statut, parce que c'est un motif de démission légitime et en fait ça permet de donner un an deux ans de sa vie pour des missions humanitaires, des missions avec un petit peu plus de sens.
On avait décidé de partir pour une association qu'on aime beaucoup qui s'appelle Life Project for Youth : un projet de vie pour la jeunesse. Elle fait de l'insertion professionnelle et sociale de jeunes exclus. En deux mots on est parti deux ans habiter dans un bidonville pour travailler avec des jeunes entre 17 et 24 ans et pour leur donner l'envie d'entreprendre leur vie, et surtout leur donner différentes pistes pour trouver un emploi.
Donc vous êtes parti en couple?
Valentine : Tout à fait, c'était pour nous vraiment un projet de couple important. On a mûri ça, on est parti quand était assez jeune couple parce que quand on est parti ça faisait deux ans qu'on était ensemble. On apprenait encore à se connaître et c'est vrai que les deux années sur le terrain à vivre dans des conditions de vie pas toujours faciles, ça apprend à mieux se découvrir! Quand on est arrivé à Dehli déjà il fait très chaud, c'est pollué, humide, et puis on est arrivés dans un centre où il y avait tout à construire donc y avait pas de fenêtre, pas de lit, un matelas au sol, c'est un peu envahis par les singes... Il a fallu démarrer le projet là bas donc c'était un super challenge. C'est en tout cas ça qui nous a permis de mieux nous connaître. Dans plein de situations professionnelles on n'a pas toujours l'occasion de travailler avec son conjoint : on a dû s'adapter, apprendre à faire face à plein de choses et à se révéler.
C'est dans cette situation que vous avez appris que vous attendiez un enfant?
Valentine : Oui, alors c'était vraiment un souhait en fait. On n'était pas mariés à ce moment là mon n'avais pas forcément envie de d'attendre le mariage pour mettre un bébé en route. Au bout d'un an là-bas, on s'est dit allons-y c'est le bon moment. Je pense que c'est aussi un moment on était plus amoureux que jamais et on s'est pas posé dix mille questions à vrai dire, je me suis pas dit oulala je vais accoucher en Inde qu'est ce qui va se passer, mais on avait très envie de fonder une famille.
Marcel est arrivé très vite, tout de suite après qu'on ait eu envie de lancer la famille.
Comment est ce que tu as été suivis pendant ta grossesse médicalement?
Valentine : Alors c'est vrai qu'une fois qu'on se rend compte qu'on est enceinte on se dit mince comment ça va se passer! Il se trouve qu'il y a quand même un réseau d'expatriés français en Inde qui est important, et du coup moi je m'étais un peu renseigné des médecins recommandés. Ce qui est vraiment important de savoir c'est qu'on a une vision de l'Inde comme un pays très pauvre, très archaïque, ce qui est vrai, mais en Inde il ya vraiment le meilleur et le pire. Dans le médical c'est la même chose, donc il ya des supers hôpitaux américains, anglais et même indiens avec des médecins qui ont été formés un peu partout dans le monde, et puis il ya vraiment des hôpitaux publics catastrophiques.
Nous on a eu la chance de pouvoir aller dans des hôpitaux très sophistiqués, donc on s'est fait suivre de manière assez moderne. On s'est rendu compte très vite, dès le premier échange, la première écho, que ça n'allait pas être classique : le personnel médical a tout de suite demandé à Eric qui rentrait dans la salle avec moi de rester dehors. Lui a tout de suite dit: hors de question, et je pense qu'ils ont été très étonnés de voir que le papa voulait être là dans toutes les étapes de la grossesse, participer aux échographies, pour eux c'était très inhabituel ! D'ailleurs dans les salles d'attentes on ne voyait jamais les papas qui rentraient à l'intérieur avec la femme, c'était vraiment le lieu de la maman.
Donc ça, c'était la première petite chose où on s'est dit: il va falloir un petit peu imposer nos conditions durant cette grossesse. Mais une fois qu'il était à l'intérieur, la communication se passait bien avec avec le médecin, je pense que ça les faisait rire de voir ce papa qui me donnait la main, qui regardait avec une petite larme la première échographie.
La deuxième chose qui nous a vraiment surpris, c'est que avant même de rentrer dans dans la salle d'échographie, on nous a fait signer un document tous les deux et on nous l'a refait signer à chaque reprise avant chaque visite avec le médecin: un papier qui nous engageait à de pas demander le sexe de l'enfant.
Alors nous on aurait voulu savoir, d'ailleurs pour la deuxième grossesse on l'a su. Mais c'est vraiment quelque chose sur lequel en Inde on ne rigole pas du tout! Si les médecins révèlent le sexe de l'enfant, cela relève du pénal. Il ya un problème énorme: le nombre d'infanticides de filles en Inde. J'ai vérifié un petit peu les chiffres: pour les enfants de 0 à 6 ans, il ya 914 filles pour 1000 garçons. Ça ne paraît pas énorme comme ça, mais c'est quand même un écart qui est très important, et qui s'explique par le fait que l'arrivée d'une fille dans une famille est vue de manière dramatique, parce que ça implique une dot, ça rime avec le fait de devoir surveiller sa réputation... C'est très important dans les familles indiennes et du coup malheureusement il y a de terribles histoires d'infanticides, d'avortements... Et cela arrive lorsque les parents sont au courant du sexe de leur enfant.
Donc ça c'est la première chose dont on s'est dit : ah oui là on est vraiment dans une culture très différente, parce que même si nous on disait aux médecins en rigolant mais nous on serait très heureux aussi si c'était une fille, il avait vraiment une interdiction. On a quand même un peu triché, parce qu'on avait envoyé un cliché à mon oncle qui est gynécologue et qui nous avait dit : je pense à tant de pourcents de chances que que c'est un garçon.
Pour les échographies ensuite, tu été suivie par un gynécologue directement?
Valentine : Oui, par un gynécologue. C'est un peu comme dans le système français privé, c'est à dire que c'est elle qui allait être présente à mon accouchement. C'était une super docteur qui avait étudié dix ans en Angleterre, ce qui aide, parce qu'on n'est pas dans sa langue maternelle, donc si en plus en face on a quelqu'un qui parle pas bien anglais c'est compliqué.
Je m'étais fait un petit pense-bête de vocabulaire, des termes techniques en anglais : la césarienne, la péridurale...
Les cours de préparation à l'accouchement n'existent pas en Inde; ce qui est encore plus étonnant c'est que la rééducation post accouchement n'existe pas non plus ! J'avais posé la question à la fin en disant voilà j'aimerais bien avoir des séances de rééducation, elle m'avait regardé bizarrement et m'avait dit, alors que c'était dans un hôpital américain super, elle m'avait dit: vous faites 60 flexions et 60 torsions du bassin pendant un mois et puis c'est bon... Donc très léger !
Est ce que tu t'es préparée toute seule à l'accouchement? Quel était ton plan de naissance?
Valentine : J'avais essayé de lire pas mal de choses, un peu sur des applis. J'étais rentrée une fois en France pendant la grossesse, et j'avais été voir une sage-femme qui m'avait en une heure un condensé tout ce qu'il fallait savoir sur l'accouchement, donc ça ça m'avait bien aidé. J'avais demandé quelques conseils à des femmes expatriées là bas aussi qui m'avaient pas mal aidé, mais c'est vrai que c'était le gros saut vers l'inconnu !
Par contre tu me parles de projet de naissance, et ça c'est hyper important! Le conseil que m'avait donné là-bas les étrangères qui avaient accouché en Inde, c'était de préparer un projet de naissance écrit, un peu comme un plan sur lequel tu peux te reposer le jour j. Tu le donnes en arrivant à la réceptionniste, à l'infirmière, au médecin, un peu à tout le monde pour que tout le monde soit au courant de ce qu'on souhaitait, et de ce qu'on ne souhaitait pas. On avait entendu des pratiques un petit peu étranges pour nous, et on souhaitait vraiment que cela se déroule de la manière dont on l'avait rêvé. Cette manière était assez naturelle, mais je me faisais pas trop d'illusions parce que dans un pays comme l'Inde où on est très loin de chez nous, on peut pas rêver de quelque chose de 100 % naturel. Par exemple moi j'ai été déclenchée. Le terme on était sur le système anglo saxon, et le terme anglo saxon et 6 ou 7 jours avant le terme français. Donc je suis allée au bout de mon terme français, mais j'étais à j + 6 ou 7 de mon terme anglo saxon, donc ils m'ont déclenchée. J'avais pu demander un conseil à un médecin français qui m'avait dit: s'ils te le recommandent, fait le, parce que ça veut aussi dire que l'anesthésiste sera là, le médecin sera là, enfin que tu seras dans de bonnes conditions, plutôt que si tu arrives à 3 heures du matin et que c'est la catastrophe et qu'aucun médecin est là.
C'était pas évident de se dire : je suis d'accord avec cette décision, mais finalement on l'a fait. Ça a été assez brutal le déclenchement en fait... La médecin qui m'a déclenchée n'était pas ma médecin, elle finissait à 8 heures et il fallait qu'elle ait fait son quota, du coup à 7h50 ils m'ont percé les la poche des eaux mais de manière très brutale, sans rien expliquer, assez douloureux!
Mais mis à part ça, dans le notre projet de naissance qui était très important pour nous c'était la place du père. On avait dit: on veut qu'il soit là tout au long de de la procédure, même si à un moment donné il ya besoin d'avoir une césarienne ou s'il ya une situation d'urgence, on veut que le papa puisse rester à mes côtés. Ça c'était vraiment la chose qui était non négociable.
On avait entendu qu'il y avait eu beaucoup d'épisiotomies dernièrement en Inde, donc on avait dit à éviter au maximum. Il y avait aussi quelque chose, mais ça je pourrais en reparler c'était plus sur l'après accouchement, ils vaccinent les enfants dans les deux heures après la naissance: donc on a à peine rencontré son bébé qu'ils le prennent, ils le lavent, ils le montrent à peine à la maman, ils vont complètement le désinfecter, et ils reviennent deux heures après avec un bébé tout neuf et vacciné. Donc ça on avait dit évidemment on ne le souhaite pas ! C'était plein de petites différences culturelles comme ça, qui pour nous étaient importantes de préciser avant le grand jour.
Comment s'est passé l'accouchement en lui-même?
Valentine : le travail n'a pas démarré tout de suite après le déclenchement, donc ils ont mis des hormones, et ça a été très rapide à partir du moment où il ya eu les hormones. J'avais une péridurale et un monito, et on voyait quand même que le bébé il avait son coeur qui ralentissait un petit peu, donc ils arrêtaient de mettre des hormones puis en remettaient... À 18 heures, a gynéco a dit : bon j'ai une intervention à 18h30, ce serait bien qu'il soit sorti dans la demi heure. Vous y êtes presque ! Donc là elle m'a dit d'y aller, et à partir de ce moment là ça a été assez rapide. Ce qui est très rigolo, et je pense que j'aurai un souvenir à vie de ce moment là, c'est qu'on ne s'est pas retrouvés à 2 ou à 3 dans la salle, mais je pense qu'il y avait 7 ou 8 personnes, et notamment la femme de ménage qui avait décidé que c'était beau d'aller voir un accouchement et qui a arrêté de se faire ce qu'elle faisait : elles étaient 8 à me dire "Push push push push push push push!" J'avais huit femmes indiennes en face de moi dont la femme de ménage qui était en blouse de ménage qui me disaient de pousser!
Ce qui les a fait mourir de rire, c'est que ça soit le papa qui mette le pyjama du bébé. Elle rigolaient parce qu'elles se disaient: il ne va pas savoir faire! Je les voyais avec leur timidité indienne à se cacher un peu derrière leurs mains mais à être très attendries, et a surtout attendre de voir comment le papa allait s'en sortir !
Tu a accueilli directement Marcel et elles l'ont mis sur toi à ce moment là? tu disais qu'ils ne le mettaient pas forcément sur la maman?
Valentine: oui l'ont mis sur moi. Le papa l'a ensuite réchauffé. Ils ont regardé si tout allait bien, mais je l'ai eu sur moi un petit peu. Par contre, comme tous les accouchements, c'est pas forcément le meilleur moment, ce moment où le bébé n'est plus forcément là et moi j'ai eu une épisiotomie... La médecin était partie pour son opération donc j'ai eu une autre personne qui je pense était pas très compétente, et ça s'est pas très bien passé. J'ai eu beaucoup de complications sur ma cicatrice pendant les semaines qui ont suivi. C'est aussi dû à nos conditions de vie: on habitait dans un bidonville avec de l'eau pas très propre, donc c'est vrai que ça c'est une partie pas marrante de mon expérience en Inde.
J'ai eu pas mal de complications, j'ai été sous antibiotiques pendant longtemps et parce que la cicatrice n'a pas été belle.
Combien de temps êtes-vous restés à l'hôpital?
V: alors on est resté trois jours, c'est grand luxe: Eric, mon conjoint avait son lit, ce qu'on n'a pas du tout à l'hôpital public en France. Mon deuxième accouchement c'était à Port Royal, et ce n'était pas dans les mêmes conditions! C'était assez rigolo, une autre petite différence: j'ai trouvé que les infirmières avaient en plus du côté santé le côté très maternel des indiennes: elles prenaient le temps d'expliquer tout ce qu'on vivait, mais pas forcément avec le vocabulaire anglais. Tandis que les pédiatres et les médecins étaient beaucoup plus snob
Une autre différence amusante, c'est qu'on ne nomme pas tout de suite l'enfant en Inde, parce qu'ils attendent de consulter des astrologues et cetera de pouvoir donner un prénom. Ils m'ont demandé: comment vous vous appelez? Je répondais Valentine, donc ils appelaient mon enfant Valentine. Je disais "non, il s'appelle Marcel", donc il m'appelaient Marcel... Bref ils ne comprenaient plus rien parce que l'enfant est appelé du même nom que sa maman pendant les quelques jours avant d'avoir son propre prénom! J'ai un souvenir assez cocasse de l'incompréhension sur qui s'appelle comment dans ces moments là...
Mon ressenti, c'est que chez les infirmières ou les aides soignantes un petit peu moins diplômées il y avait une vraie envie de partager, d'être en douceur, de montrer pour l'allaitement etc. Les docteurs n'étaient pas du tout là dedans: j'ai un souvenir de la première consultation pédiatrique à une semaine avec Marcel, c'était dans un bureau froid, il y avait la climatisation à fond, il devait faire 16 degrés, on déshabille un nouveau né qui pleure de froid... On avait été très choqués de voir que le médecin était plus préoccupé de son confort que de celui de l'enfant, et pas du tout dans l'échange. Chez les médecins spécialistes il y avait une sorte de froideur et de distance que je n'ai pas retrouvée en France.
Tu parles de l'allaitement, comment est-ce que ça s'est mis en place?
V: J'ai eu de la chance parce que j'ai eu beaucoup de lait, mais les deux fois la difficulté avec l'allaitement ça a été la douleur au téton, notamment avec des crevasses. Je trouve que c'est vraiment douloureux et difficile au début, on nous prévient pas forcément de la difficulté que ça peut engendrer. Vraiment pendant deux trois semaines j'ai eu vraiment mal aux tétons, et puis une fois que c'est passé c'était vraiment très facile!
Pour tout dire je me suis même pas posé la question de l'allaitement, parce que dans les conditions dans lesquelles on était, et on n'avait pas forcément de l'eau propre, on avait de l'eau minérale si on voulait mais mais c'était plutôt de l'eau déminéralisée, il fallait avoir des biberons propres etc donc l'allaitement c'était vraiment la seule option.
Est-ce que autour de toi les femmes de ce quartier très défavorisé allaitaient?
V: Elles allaitaient même jusqu'à longtemps, nous on avait des jeunes mamans parce qu'on accompagnait des jeunes jusqu'à 24 ans, mais elle avait déjà parfois des enfants de 5-6 ans, et elles allaitaient encore leur enfant de trois ans. C'est tout à fait courant là bas, après c'est assez pudique donc évidemment on le voit pas forcément dans la rue etc c'est plutôt à la maison. Mais oui tout à fait elles allaitaient pendant très longtemps.
Comment s'est passé le retour chez vous avec Marcel?
V: C'était hyper excitant, je me rappelle qu'il y avait tout le voisinage qui était sorti voir ce qui se passait! J'ai eu la chance d'avoir mes parents qui sont venus nous accompagner pendant cette période-là, et notamment pour prendre le relais auprès des jeunes du bidonville pour éviter qu'ils n'aient rien pendant la semaine où on était arrêtés. Donc il nous avait fait un super comité d'accueil avec des petits post it, j'ai le souvenir d'une émotion hyper intense en arrivant chez nous! On habitait dans un tout petit appartement avec une chambre et on avait 22 mètres carrés au total et il faisait très chaud, il n'y avait pas la climatisation, et notre grande crainte c'était les moustique. Les moustiques en Inde sont porteurs de plein de maladies, du coup on avait un petit panier où on avait marcel et au dessus on mettait une moustiquaire, et en plus de ça il dormait dans un coin avec une seconde moustiquaire pour avoir double protection. On s'est rendu compte qu'au bout de la première nuit que s'il mettait sa main contre la moustiquaire, il se faisait piquer. On avait cette organisation de fortune où on essayait d'avoir des ventilateurs, de l'anti-moustique, des moustiquaires, des choses comme ça mais en fait enfin comme tous les enfants en Inde il s'habitue, il s'acclimate à la chaleur. Je n'ai pas eu l'impression qu'il pleurait plus, on faisait juste attention à l'hydratation, aux moustiques.
Mais c'est vrai que c'était assez intense parce qu'on n'a pas de poussette; il a été beaucoup beaucoup porté j'ai des souvenirs de mon conjoint qui avait une montre connectée et qui de temps en temps le matin me disait : "ah bah cette nuit j'ai fait 7 km dans nos vingt mètres carrés", juste de marcher sur place pour pouvoir le l'endormir. C'est des petits souvenirs comme ça un peu cocasses qui resteront! On le baignait dans une petite bassine, c'est rigolo quand on y repense de savoir qu'il a démarré sa vie dans ces conditions là.
Combien de temps êtes-vous restés après la naissance?
V: On est restés que deux mois en fait, notre mission s'arrêtait au bout de deux ans. Je pense que c'est aussi pour ça que ça a été facile de les tenir ces deux mois, parce qu'on savait que ça avait une durée déterminée. C'était quand même chaotique parce que j'ai recommencé à aller dans notre centre de formation assez rapidement parce qu'en fait je m'ennuyais dans cette chaleur de notre petit appartement, et j'avais envie d'y retourner. On l'a fait vivre avec nous donc il avait une petite tente moustiquaires au fond de la salle de classe avec les jeunes, j'allais faire ma pause allaitement en leur disant : "bon vous faites un exercice et je reviens", on allait chez les partenaires professionnels aussi avec lui ...
C'est vrai que pour nous, d'avoir d'être enceinte et d'avoir un enfant, ça a été une ouverture exceptionnelle aux indiens. C'était une porte d'entrée incroyable dans le bidonville, il y avait cent cinquante mille personnes mais elle nous connaissaient toutes, parce qu'elles me voyaient sur mon vélo enceinte, elles me faisaient des gros yeux en disant mais c'est dangereux, ensuite tout le monde attendait l'arrivée du petit bébé, tout le monde voulait le toucher, le bénir... Nous évidemment on prenait des pincettes par rapport à l'hygiène, on essayait de garder quand même une certaine distance, mais c'est vrai que c'est un souvenir incroyable d'avoir créé ce lien avec les personnes locales, c'était incroyable.
Comment ça se passait pour le sommeil pour vous, tu dis que tu es très rapidement retourné au centre, est-ce que vous arriviez à vous remettre physiquement, et est ce que vous aviez le moral?
V: alors j'y allais mais à mi temps. J'allais faire des trainings de temps en temps mais pas à temps plein, c'est vrai que c'était physique, mais on s'organisait. Je m'occupais plutôt de la partie allaitement, et Eric essayait de faire l'endormissement et les changes. On était sur un rythme costaud parce qu'il faisait chaud, et qu'on a du retourner assez vite auprès des jeunes, mais d'un autre côté on n'avait aucune tentation, aucune visite de la famille, rien qui se passe. Le soir à 17h30 on était chez nous, et on était couchés à 21h, donc en fait l'un dans l'autre ça s'équilibre et assez bien de pouvoir faire des choses l'après midi et de ne pas avoir toutes ces tentations, enfin ce n'est pas vraiment des tentations, mais tous ces bons moments de partage qu'on a quand on est dans son environnement.
On était pas mal rythmés par l'allaitement tous les trois quatre heures, même un petit peu plus au début, plutôt toutes les deux heures. Marcel ça a été un bébé qui a été beaucoup porté, on s'en est un petit peu mordu les doigts vers 4-5 mois quand on s'est rendu compte qu'il avait du mal à s'endormir autre part que dans le porte bébé, mais c'est vrai qu'on l'emmenait un petit peu partout, soit dans son couffin qu'on mettait dans un rickshaw, ou qu'on mettait dans le taxi. On s'est autorisés le week-end à aller dans un hôtel avec la climatisation se reposer un petit peu, mieux manger etc, et du coup on avait où on se ressourçait le week end, on rechargeait un peu les batteries, on se faisait vraiment du bien, et la semaine on repartait dans notre rythme un peu plus métro boulot dodo si je puis dire.
Quand vous êtes rentrés en France, quelle grosse différence est ce que tu as vu entre votre quotidien indien et votre quotidien français?
V: Alors d'abord la première grosse différence, c'est même avant notre retour en France, c'est la grossesse. J'ai trouvé ma grossesse en Inde infiniment plus sympa à vivre, alors que franchement les conditions n'étaient pas faciles, mais en fait j'étais libre, libre de faire ce que je voulais, de de manger ce que je voulais, de boire ce que je voulais, j'ai vécu vraiment cette grossesse à 2 d'une manière très libre et insouciante.
En France dès le début je trouve quand on est enceinte qu'on est très jugée : si on ne mange pas de tout, on nous dit :"bon ça va, tu devrais te détendre un peu, qu'est-ce qu'elle est stressée, elle lave trois fois 6 tomates", si on mange du fromage non pasteurisés ou si on boit une demie coupe de champagne ça va être "ah bah est cool, pense un peu à ton bébé, c'est pas top que tu fais"...
Concernant le retour, on était tellement heureux de le présenter à tout le monde, à nos familles, à nos amis, c'était incroyable ce moment de rencontre!
Ça a été intense pendant quinze jours et ensuite on et est repartis un mois tous les trois seulement pour atterrir, profiter, et là je trouve qu'on arrive dans troisième mois, on a perdu toute l'excitation du retour etc c'est un peu plus difficile. Les nuits commencent à devenir plus difficiles, on se rend compte qu'en fait il a du mal à s'endormir tout seul, on fait des tours de poussettes et de porte bébé à n'en plus finir...
Est ce qu'il reste des choses à Marcel de cette période en Inde?
V: alors évidemment pas de souvenirs, il était trop petit, mais sa carte d'identité: il a un deuxième prénom indien. Il s'appelle Marcel Rhamu. Rhamu c'était notre ange gardien à Delhi, qui était un propriétaire dans notre bidonvilles qui nous a énormément accompagné. C'était un homme qui parlait à peine anglais, et je pense que ça l'a touché: on a montré à Rhamu que Marcel avait sa pièce d'identité et qu'il s'appelait Marcel Rhamu.
Pour en savoir plus sur l'association avec laquelle Valentine et son compagnon sont partis en mission: LP4Y
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