
INTERVIEW - Diane : 4 grossesses au pays de l'enfant unique
Voici l'histoire de Diane, jeune maman qui nous raconte la naissance de ses trois enfants en Chine à Shanghai puis la naissance de son dernier en France. Elle nous parle notamment de la vision étonnante que constitue une famille nombreuse dans le pays de l'enfant unique et de ses expériences, différentes, dans des hôpitaux publics chinois et dans un hôpital américain. Elle nous fait également découvrir les détails du mois d'or qui suit l'accouchement, mois où l'on s'assoit, dans la tradition chinoise.
Clémence : Bonjour Diane, merci beaucoup d'accepter de participer à ce podcast. Je suis hyper contente de te recevoir aujourd'hui, tu as une histoire à nous raconter autour de la Chine. Est-ce que tu peux te présenter ?
Diane : Oui bien sûr. Je suis responsable d'une marque de vêtements pour hommes, j'ai quatre enfants dont trois sont nés en Chine et un en France. Mes quatre enfants ont respectivement : 5 ans et demi, 4 ans et demi, 3 ans et demi et un 1 an et demi donc une fratrie bien rapprochée.
Est-ce que tu peux nous raconter dans quelles circonstances vous êtes expatriés en Chine ?
Diane : J'ai rejoint en fait mon petit ami de l'époque, qui est devenu mon mari, qui lui avait fini ses études en Chine à Pékin à l'époque et tout en terminant ses études il a créé une boîte là bas ce qui l'a ancrée. Du coup, on s'est rejoint à Shanghai tous les deux où lui a pu continuer son activité et moi aussi. Lui a passé 13 ans en Chine, puisque aujourd'hui nous sommes de nouveau installés en France et j'en ai passé 8 pour ma part.
C'est donc un pays que vous connaissez bien ?
Oui et auquel on est très attachés !
Comment est-ce que tu as vécue cette première grossesse en Chine ?
Alors déjà on a souhaité mettre en route un premier bébé et ça s'est fait sans encombre, on était très heureux. Bien sûr, il y avait cet à priori de la première grossesse et aussi dans un pays très différent du notre où je parlais chinois mais pas suffisamment couramment pour comprendre tous les tenants et les aboutissants d'un suivi médical. Donc voilà on s'est plongés dans ce monde là, où on était vraiment aveugle parce que c'était une première grossesse mais aussi dû au fait que ce soit en Chine.
Pour rappeler simplement le contexte d'une grossesse en Chine, la grossesse est vraiment sacralisé parce que c'est dû à la politique de l'enfant unique qui était en vigueur jusqu'en 2014. Les Chinois ont, pour la plupart, qu'un seul enfant et donc c'est un événement très important dans les familles car ça n'arrive qu'une fois dans une vie. La femme qui porte l'enfant est réellement mis sur un piédestal et on obtient, en étant enceinte là bas, une espèce d’hypra immunité qui vous protège de beaucoup de chose et qui est à mon sens pas toujours très rationnelle.
Moi j'ai débuté cette grossesse là, au début bien sûr on garde ça entre nous. Une fois que le mot est lâché tout de suite j'ai vu dans mon travail que j'avais pris un statut ultra différent, déjà j’ai pas forcément les mêmes capacités pour réfléchir et pour être dans le coup en résumé. Par ailleurs voilà parfois il fallait que je fasse des choses un petit peu plus manuelle, ou que je voyage et tout de suite on m'a évité ces choses là alors que j’en avait complètement la capacité et surtout j'avais tout à fait envie de continuer une vie normale. Donc ça c'est déjà un contexte qui pose les choses et sur le moment je ne comprenais pas forcément toutes les raisons.
Et tu l'as bien vécu où tu te sentais un peu mise de côté ?
Je l'ai relativement bien vécu parce que voilà j'assumais ce que je faisais. Je travaille dans des boutiques donc tu es souvent sur des échelles et donc j'avais quatre chinois derrière moi qui me retenait si jamais j'allais tomber, ce qui allait absolument pas se passer mais c'était hyper bienveillant et très touchant. Je l’ai bien vécu parce que je l’assumai, j'ai assumé le fait de pas vouloir un soin particulier mais oui j'ai bien vécu. Encore une fois c'est de la bienveillance et c'est toujours très généreux en fait de la part des autres, donc on réagit rarement mal.
Pour parler de tes autres grossesses, comme tu disait, il y a beaucoup d'enfants uniques en Chine. Est-ce que les gens étaient surpris de voir une famille nombreuse à 2 puis 3 enfants ?
Alors déjà le deuxième enfant est arrivé assez rapidement, par rapport à mon boulot principalement. C'était une surprise pour eux, nous c'était plutôt un souhait mais ils se demandaient "comment est-ce que tu peux réussir à avoir un deuxième enfant aussi rapidement ?» ; « c’est tellement de travail comment fais-tu ? ». Ça c'était plus compliqué.
Ensuite c'est vraiment le regard social, ne serait-ce que dans la rue quand j'étais enceinte de notre troisième. Dans la rue, les Chinois accostent les gens de manière très naturelle et très spontanée, ils viennent vous voir et touchent les enfants, touchent votre ventre. C’est sympa parce que les gens sont vraiment, encore une fois, très spontanés et agréables. Au bout de la quatrième fois c'est très pesant, en fait, il y a un voyeurisme qui est propre aux Chinois de la rue en particulier. C'est difficile mais c'est à nous de nous adapter à leur culture donc on explique, on dit : « oui il y en a quatre c'est formidable, grande famille ». C’est vraiment compliqué à concevoir pour eux principalement parce que, avoir quatre enfants, c'est une charge financière excessivement lourde. Ce qui était inimaginable pour eux, c'était la charge de travail et ce qui se profile dans les années à venir, à savoir l'éducation des enfants. Dans les grosses villes, ils sont quasiment comme en prépa dès leurs cinq ans, ils sont bardées de cours particuliers, d'activités extrascolaires afin de les élever au plus haut niveau et ça, ça a un gros coût. Ensuite, une fois qu'on se marie chacun doit apporter une somme d'argent significative et voilà donc c'est ça, ce que ça représente pour eux.
Pendant tes grossesse, est-ce qu'il y a des choses que tu as utilisé en Chine, qui sont propres à la médecine Chinoise ou est-ce que vraiment tu as vécu ta grossesse comme tu aurais pu la vivre en France ?
Alors à nouveau là pour remettre dans le contexte, il y a des croyances populaires qui sont assez assez fortes et d'un point de vue extérieur, parfois curieuses. J’en donne une vraiment anecdotique mais ça nous a toujours donné le sourire, les femmes enceintes ne doivent ni boire de café, ni manger de chocolat parce que ça pourrait dégrader le teint de perle blanc propre aux Chinois et c'est vraiment, pour eux, un critère de beauté. Donc moi je buvais beaucoup de café, notamment au bureaux, et à chaque fois je voyais des yeux vraiment très étonnés genre « Mon dieu que fait-elle ! Son enfant ne sera pas parfaitement au teint de lait ! », voilà donc ça c'était assez rigolo !
Ensuite, sur la manière de vivre les grossesses, pour le coup je pense que j'avais pas l'intégralité de la connaissance d'une grossesse et comment bien vivre sa grossesse à la Chinoise, mais plutôt des critères Européens et Français de bouche à oreilles, de ce que j'avais entendu de ma mère, de nos familles et de nos amis.
Comment est-ce que tu étais suivie médicalement ?
Alors médicalement j'ai été suivie dans des hôpitaux privés Américains mais j'ai néanmoins une petite expérience dans les hôpitaux publics Chinois qui sont des hôpitaux, encore une fois pour le contexte, très bondés. Généralement c’est en file indienne, on attend de rentrer dans la salle du médecin, là c'est souvent la cour des miracles et ça peut se finir en pugilat si jamais vous doublez quelqu’un.
Quand c'est dans le milieu gynécologique, c'est souvent des espèces de salles de consultation dont la porte reste ouverte et vous voyez la femme avec ses deux jambes en l’air. Il y a peu de pudeur et en fait ce qui est important pour ces femmes, c'est d'avoir une place, de voir le médecin qui, évidemment, à la parole d’or et qui pourra toujours donner un diagnostic ou commenter la grossesse. Ça c'est assez particulier aux hôpitaux publics et je l'ai vécu au tout début de ma première grossesse parce que j'étais pas encore assurée, donc j'ai fait ma toute première écho, de notre premier enfant, là bas. J'étais seule parce que mon mari était à l'étranger et donc j'y suis allée, bien sûr avec une certaine angoisse, de savoir : « Est-ce que tout va bien, tout évolue bien ? ».
Ce qui m'avait fait rire c'est que j'ai essayé de prendre une photo de l'écho pour montrer à mon mari et là tout de suite j'ai 3 infirmières qui sont arrivés sur moi en me disant de supprimer la photo. Il faut se rappeler qu'on est en Chine et qu'on peut pas connaître le sexe parce que parce qu'on fait attention à ces choses là et que comme on a qu'un seul enfant, il ya qu’un seul bon coup. Donc voilà c'est vraiment cette mentalité là et donc ça m'avait un peu refroidi sur le moment. Aujourd'hui ça a du sens mais effectivement dans les hôpitaux publics par exemple Chinois, on ne peut pas donner le sexe de l’enfant.
Ensuite, pour ma part, j'ai été suivie dans un hôpital américain donc un suivi hyper fréquent. Dès qu’on vous trouve un micro ou éventuel, micro problème, évidemment on va faire toutes les analyses qui vont avec pour vous facturer autant que possible. C'est un mélange de bienveillance et de soins conventionnels avec une systématique méfiance, en fait on se demande est-ce que c'est pour nous nous prendre deux, trois quatre consultations en plus qui nécessitent des équipements coûteux, ou est-ce que c'est parce qu'il y a un réel problème. Ça c'était assez inconfortable parce qu'on peut jamais avoir une lecture saine de ces comportements.
Pour ma part j'ai été suivi là bas pour toutes mes grossesses et ça s'est globalement très bien passé, mais voilà dans les hôpitaux américains vous avez les nurses qui vous accueillent, vous pèse, vérifient que les signes vitaux vous concernant et aussi pour le bébé vont bien et ensuite quelqu'un va vous faire une échographie. C’est fait par un technicien, en gros un échographe, mais qui est vraiment technicien et qui est largement en dessous des niveaux d'un médecin. Ensuite le médecin arrive je pense 2 minutes 30 en moyenne et vient vous commenter. Notre médecin, qui était la même pour les quatre enfants, était très rigolote et j'ai eu la chance d'être accompagné pour ma première et ma deuxième grossesse par une sage femme française qui elle avait été dans une formé dans une clinique à Paris. Elle prônait le physiologique et vraiment l'accompagnement des femmes pour l’écoute de leur corps, ce qui était très loin de ce que j'avais pu connaître et en tout cas expérimenter dans le tout début de ma grossesse. Elle m'a donné un support hyper important, déjà parce qu’elle m'expliquait en fait les stades de ma grossesse et ce qui se passait réellement, parce qu’en fait « the baby is pretty average », ça vous raconte pas grand chose sur l'évolution du bébé ! Ensuite, elle m'a donné beaucoup de confiance dans l'accouchement et la manière de l'appréhender sans souffrance, en tout cas comment gérer ce moment qui est un chamboulement pour le corps. Ça a été un accompagnement dont j'ai tiré beaucoup d'enseignements et qui m'ont suivis jusqu’à mon dernier accouchement, il y a 1 an.
D’accord, c'était un peu comme des cours de préparation à l'accouchement en fait ?
Exactement, la première grossesse je l'ai vu je pense quasiment dix fois, c’était devenu une amie et elle m'a beaucoup suivi. On a fait des cours de préparation à l'accouchement et comme elle avait été formée dans cette clinique où on prônait vraiment les accouchements naturels, sans péridurale pour celles qui le souhaitaient. Elle m'a appris la sophrologie, le chant de l’accouchement, il a un nom très spécifique où vous vous évacuez la douleur par un chant qui vient vraiment du plus profond de vos entrailles.
Elle m'a vraiment accompagné, c'était très nécessaire parce que je pense que, si j’avais été sans elle en Chine pour un premier bébé, j'aurais été vraiment dans un flou et non pas que j'ai besoin de tout maîtriser mais c'est quand même un grand inconnu et c'était un super accompagnement pour moi et pour mon mari qui était tout autant impliqué. Elle avait aussi connaissance des techniques particulières des Chinois et c'était un accompagnement hyper-riches et très précieux !
Quel était ton plan d’accouchement, ton projet naissance ?
Alors mon projet de naissance, c'était parce que j'avais été accompagnée encore une fois par cette sage-femme, quelque chose de physiologique et dans l’écoute de l’enfant, de la mère et des besoins du bébé. Je voulais quelque chose de naturel sans pour autant éviter la péridurale, je voulais que la péridurale interviennent à un moment tardif au cours de l'accouchement parce que j'avais peur, justement, d'être bloquée pendant des heures. Il y avait un bémol, et je me rends pas compte par rapport à ce qui se passe en France, c'est que les péridurales là-bas n’étaient pas en ambulatoire. Une fois que vous aviez votre péridurale, vous restez allongée, vous ne bougez pas, ce qui est le contraire d'un accouchement physiologique où on est à l'écoute de son corps, on se met dans les positions qui s'adaptent au stade de l’accouchement et des phases du travail. Je savais que je ne pouvais pas le faire mais j'avais justement cette sage-femme qui m'accompagnait qui m'a dit : "Ok bah, il y a un moment où tu vas devoir être allongée, tu vas pas pouvoir être libre de tes mouvements donc le moment compliqué va commencer à ce moment là ».
Comment se sont passées ces accouchements alors ?
Pour le premier, j'ai accouché post-terme. Il faut savoir qu'en Chine, on est sur un système Anglo-Saxon, donc la date du terme était à 40 semaines contrairement à la France où c'est à 41 semaine donc déjà j'avais ce biais là, de savoir que l'on me disait « Vous êtes prête à accoucher », en fait c'était pas tout à fait le cas si je rapporte à nos critères français.
Donc le terme arrivait pour mon premier enfant et on commence à me parler de déclenchement ce que je voulais à tout prix éviter parce que je considérais que c'était une sorte d'agressivité envers l’enfant d'envoyer toutes ces hormones supplémentaire pour accélérer le travail. J'étais pas du tout favorable à ça et j'avais vraiment envie que ça se fasse d'une manière naturelle donc on a repoussé une première fois, une deuxième fois et la troisième fois mon mari a dû intervenir parce que les médecins pensaient que je pouvais pas réfléchir par moi même. On a demandé vraiment de repousser en disant : « Ce bébé va bien tout seul, laissons le venir tout seul ! ». En France, on a cette croyance de se dire que : plus l'enfant est dans le ventre de la maman, plus il se fait des forces, il se fait des ongles comme dit l’expression. Les signes vitaux du bébé étaient absolument normaux, il y avait aucune raison de déclencher et donc la troisième fois on nous a dit : « À 42 semaines c’est le maximum légal pour accoucher ». À ce moment là malheureusement le bébé n'arrive pas, je pense que tout ça c'est assez psychologique aussi, j'étais hyper anxieuse de ce moment de l’accouchement et je l'avais tellement préparé en fait avec l'aide de Doctissimo, malheureusement une de mes lectures préférées, ce qui était complètement idiot !
Donc voilà, on met une date de déclenchement à 41 plus six jours et pendant la journée je me sens bien mais je me dis que je suis un petit peu engourdie. J'arrive à l'hôpital et je me dis « ok on va me faire une piqûre et puis voilà ça va commencer, dommage je voulais à tout prix l’éviter », et en fait on me fait un monitoring et on me dit que je suis en travail. Je me suis dit, comme quoi la psychologie fait beaucoup de choses parce que je savais que j'allais y passer et en fait bébé est venu tout seul.
L'accouchement s'est bien passé, ça a été très long et ce dont j'ai souffert, pour cet accouchement là, c'était le fait d’être vraiment cloué à un lit une fois ma péridurale posée. J’ai posé ma péridurale assez tard par rapport au travail mais ça a tout arrêté et donc là j'ai passé, je pense, 8 heures à essayer de stimuler les contractions mais ça ne faisait pas à grand chose et ça a été très long. Ça a été très douloureux parce que je ne pouvais pas du tout accompagner mes contractions quand j'en avais car je ne pouvais pas bouger mon bassin et ça a été compliqué, j’ai passé toute une nuit sans dormir, plus de force.
Je me rappelle de ces mots d'abandon juste avant que le bébé sorte en disant ; « Écoutez c'est pas grave, ouvrez moi, allez-y sans moi je n’en peux plus ». Là je n'arrivais plus , ça faisait 8 heures où on me disait de pousser alors qu'en France il y a un minimum de temps, c'est très rigoureux et c'est très suivi et là pendant huit heures en fait j'ai dépensé toutes mes forces a essayer de pousser alors que c'était absolument pas le moment de le faire. Ça c'était vraiment compliqué. J'avais la sage-femme qui m'accompagnait et pour elle c'était très difficile à gérer aussi parce qu’elle n'était pas médicalement requise et elle était là en tant que support mais voilà en étant cloué sur un lit c'était plus compliqué. J'en ai un souvenir douloureux, je m'étais bien préparé mais c'est vrai que les pratiques Chinoises se sont vraiment mises dans le chemin de cet accouchement. À la fin tout s'est très bien passé puisque le bébé est arrivé en pleine forme et voilà j'étais en revanche horriblement fatigué et je l’ai sentis pendant des jours. J'avais vraiment l'impression qu'on m’avait roulé dessus.
Je reviens juste sur un point qui m'étonne beaucoup. Du coup, on t’a demandé de pousser alors que le bébé était encore en train de descendre ?
Alors le bébé était en train de descendre effectivement et je sais pas en fait à quel moment, parce que c'est ce moment on est dans un état second et on est plus en maîtrise de son corps, mais je sais qu'il y a eu ce long moment où l'on m'a demandé de pousser alors que bébé n'était pas tout à fait descendu. Je pense qu'on s’est dit : "Si on commence à pousser ça va peut-être faire quelque chose » mais ça n'a pas fait grand chose et on m'a remis une piqûre d’ocytocine, une piqûre pour continuer à provoquer davantage les contractions. Je pense que là, le bébé était pas complètement descendu quand j'ai commencé à pousser, j’ai trouvé ça vraiment très compliqué parce que cette poussée a duré une éternité ! Je sais que quand j'ai refait l'accouchement la cette sage-femme qui étaient là auprès de moi pendant l’accouchement, on s'est dit : « Mais non c'est pas possible que ça ait duré aussi longtemps ! » et pourtant on savait qu'il fallait aller vite et on sait que ça se passe comme ça, ikl y a un ordre médical.
C'est un hôpital américain qui m’a accompagné sur toute cette période compliquée où on s'est posé des questions j’ai été suivie par les sages-femmes et les infirmières et le médecin est arrivé pour les cinq minutes où le bébé est sorti et est parti. C'est toujours très curieux parce qu'on est très accompagné sans l'être.
Donc là tu vas rencontrer ton premier enfant ?
Oui, et alors là on oublie tout, alors que c'était quand même très dur. C’était incroyable, c’était une émotion qui nous envahit et un bonheur infini. Ce dont je me rappelle le plus autour de cet accouchement, au delà de la douleur et d'une fatigue vraiment immense que je n'avais jamais ressenti, c'est qu'on a été dans notre bulle pendant trois jours, d'abord à l'hôpital puis ensuite chez nous, on s'est complètement muré dans notre bonheur et c'était vraiment exceptionnel.
On était tous les deux en extase devant ce bébé qui était le nôtre, qui était en bonne santé et c'était extraordinaire, en plus ce premier enfant était né en plein milieu du nouvel an chinois, au moment où la chine est complètement arrêtée, nous compris et on était en apesanteur, on était hors du temps. C'était absolument incroyable et c'est un moment vraiment magique.
Vous saviez si c'étais un garçon ou une fille ?
Non on ne savait pas, c'était une surprise. Après, grâce aux mamas chinoises de la rue qui commentait à tout-va mon ventre, tout le monde m'avait dit que c'était un garçon. J'avais pas vraiment le choix de garder ça secret ou non, elles viennent toucher votre ventre et « Ah ça c’estun garçon, c’est un garçon à coup sûr ! ».
Voilà donc je l'attendais en garçon, je n'ai pas été surprise que ce soit un garçon, je pense que je l'aurait été si c'était une fille. C'était un premier accouchement riche en émotions bien entendu et en relisant mon accouchement, je me suis dit ça s'est pas passé comme ça aurait dû parce que je trouve qu’on a pas fait tout pour que je ne souffre pas et ça m'a un peu agacé. Après, tout s’en va et je pense que déjà ça s'est passé dans de très bonnes conditions par rapport à d'autres et tout s'est bien passé donc je reviens pas dessus parce que je trouve ça pas nécessaire.
Ensuite pour mon deuxième accouchement ça s'est passé de manière très simple parce que je pense que pour moi, la barrière, l'angoisse était levée d'une certaine manière. Bien sûr, on retourne accoucher une deuxième fois, on sait que ça va être compliqué : Est-ce que ça va être aussi compliqué que la première fois ? Est-ce que ça va être plus simple ? On se dit : « Aller c’est un deuxième, ça va être plus simple ! ». Ça a été le cas, j'étais accompagné cette fois encore amicalement pendant l'accouchement par cette sage-femme et tout s'est super bien passé !
Pour mon troisième accouchement, en revanche, qui était donc pour notre fille, j'ai été déclenchée à 37 semaines dans l'urgence parce que j'avais un saignement très important du placenta. Je suis donc arrivée avec des pertes de sang conséquentes en pleine nuit à l’hôpital, seule d'abord parce que mon mari attendait que notre nounou viennent s'occuper des deux premiers. Je me suis retrouvée dans une salle d'accouchement avec 11 Chinois qui parlent pas trois mots d’anglais, pourtant dans un hôpital américain. Ils commencent donc à faire des échos, à tout toucher et là j'étais complètement instrumentalisée et absolument pas en mesure de comprendre ce qui se passait. J'ai senti beaucoup d'agitation et c'est un moment assez désagréable jusqu'à ce que mon mari arrive et qu'en Chinois il exige qu'on appelle notre médecin laquelle est arrivée en une demi-heure. On a fini par me déclencher, me préparer pour une césarienne mais me déclencher naturellement et ça a fonctionné ! En 1h notre fille était là, sans problème elle n'avait pas eu de conséquence de ces saignements de placenta. En revanche, on sait pas du tout ce qui s'est passé, on l’a jamais su. Normalement on fait des autopsies de placenta dans ce genre de cas et donc par rapport à la Chine dans ce contexte là, c'est pour dire que c'était assez opaque et qu'il fallait qu'on laisse les choses comme elles étaient et qu'on ne pouvait pas avoir plus de renseignements. Ça laisse quand même un arrière-goût pas très pas agréable et pas très net, le fait de pas comprendre son environnement, son écosystème. C’était pas de l'anglais là, c'était vraiment du Chinois et accoucher en Anglais c'est une chose mais accoucher en Chinois avec des gens, en plus qui sont peut-être un petit peu plus rustre que notre médecin Américain qui elles avaient toutes les manières d'un médecin qui cherche à vous accompagner quand même un petit peu. De mon point de vue c'est dérangeant de ne pas comprendre ce qui se passe?
Tu nous a parlée de cette bulle pour le premier, comment se sont passées les premières semaines avec les trois en Chine ? Est-ce que tu a vécu ça complètement chez toi comme les femmes Chinoises ? Est ce que tu a adapté un petit peu la culture ou est-ce que tu as voulu vivre ça comme tu l'aurais vécu en France ?
Parce qu'on a été accompagnés par une Chinoise qui était là deux semaines avant la naissance de mon premier enfant, j'ai fait ça à la Chinoise parce que j'avais quelqu'un qui m'accompagnait pour le faire à la Chinoise. Pour notre premier enfant, c’était une nouvelle expérience et j'avais tout à apprendre et j'ai été, là encore, très bien accompagnée par cette nounou Chinoise qui était une femme d'une cinquantaine d'années qui était un petit peu ma grand mère ou ma vieille tante. Elle était là pour me dire fait comme-ci, fait comme ça et elle m'a permis et elle m'a surtout conseillé de tout faire de manière très calme. Justement selon la tradition Chinoise Zuo Yue Zi, qui veut dire en fait « s'asseoir pendant le mois », c'est cette tradition Chinoise qui veut que, après l’accouchement, pendant 40 jours la femme est alité et elle est là pour pourvoir aux besoins de son bébé et elle ne doit subir aucun choc thermique pour que son corps se remette bien de ce chamboulement. Pendant l'accouchement et pendant la grossesse le corps est remplie d'hormones et ces hormones là doivent s’évacuer et les choses doivent se remettre à leur place dans le corps donc on évite les chocs thermiques pour que tout ça se fasse naturellement et que ce soit pas provoquée. Donc ça, c'est ça dans la pratique et c'est une pratique que je ne pourrais que conseiller. En revanche, moi de mon point de vue de femme française qui travaillait, je me suis dit : « Un premier enfant, c'est simple, c’est ok, c'est un peu compliqué au début, j’ai juste besoin de me remettre ! » et puis au bout de deux semaines on va voir des copains, c'est sympa on sort, on rentre en France quand le bébé avait trois semaines et on a fait évidemment le tour de toutes les familles, tous les amis et tout allait très bien !
Si c'était à refaire, je ferais pas comme ça. Du coup, pour notre deuxième enfant j'ai vraiment tenu à rester allongée le plus longtemps possible et vraiment être à l'écoute de mon corps, ce qui est pas forcément simple surtout quand là j'avais déjà Jacques qui avait 1 an. Après, comme je le disais, j'ai été très bien accompagnée par cette formidable nounou Chinoise qui m'a vraiment guidée. Je la vois encore me remettre une septième couverture alors que j'avais le chauffage à fond, des chaussettes… on est en hiver mais quand même ! Voilà, elle m’apportait des thermos d’eau chaude, quand je me lavais les mains elle mettait le robinet sur l'eau chaude à fond parce qu'elle voulait vraiment pas que je subisse de choc. Je lui en serais éternellement reconnaissante parce que, on verra plus tard quand je serai dans mes vieilles années si jamais j'ai de l'arthrose et si je souffre des articulations, mais je suis persuadé que ça m'a aidé d'une certaine manière pour à l'avenir mieux me remettre.
Concrètement il y a la température corporelle, donc tu étais très couverte, et est-ce qu’il y avait d'autres aspects ?
L’allaitement était quand même assez difficile parce que j’étais, je pense, trop fatiguée et je n'avais pas assez de lait. Dans ce mois où il faut rester allongées dans la tradition chinoise, il y a 5 repas par jour et en fait ces repas sont constitués de soupe, surtout pas de d'éléments crus parce que ça aussi ça vient à l'encontre de votre corps. Un élément cru et froid va se confronter à la température ambiante un peu plus chaude de votre corps et donc pour les cinq repas par jour c'est systématiquement des bouillons de légumes avec des carcasses de poisson, de poulet, ou de porc. En fait tout ça c’est pour rassembler le collagène et tous ces éléments gras et ces nutriments qui sont présents dans les articulations de ces carcasses et qui du coup se diffuse dans la soupe. Donc ça c'était le matin dès 8 heures et je dois dire au début j'ai dit : « non merci ça ira je ne vais pas faire comme ça », je l’ai fait st en fait du jour au lendemain j'ai eu de nouveau du lait. Ça me faisait une réelle différence et c'était assez grisant en fait de le découvrir parce qu’en fait c'était aussi simple que ça et je trouve ça super !
Physiquement, à partir de quel moment tu as pu vraiment remarcher ? Quand tu avais tes enfants en bas âge, à quel moment tu as pu vraiment les porter ?
J'ai fait très attention à ça, pour le premier j'ai voulu faire trop tôt mais ça se passait bien. Pour le deuxième j'ai vraiment tenu à ne pas le faire là, pour le coup notre nounou prenait toujours en charge les enfants si jamais j'arrivai vers eux et que je les portais. Si je les portais moi même, elle me les enlevait des bras, en toute bienveillance bien entendu ! J'ai eu le soutien de mon mari qui était très présent pendant tous mes après accouchement, du coup je faisais vraiment attention à ces choses là.
Est-ce que c'est bizarre pour les enfants ? J'imagine ma fille qui accueille un nouvel enfant dans la famille et qui en plus se sent un peu séparés physiquement de sa maman. Est-ce que c'était dur pour eux ?
J'avais assez peur de ça, c’était un choix jugé égoïste de notre part d'avoir tout de suite un autre enfant, un an après une première naissance. On a fait particulièrement attention à ça, je pense parce qu'on en était conscient et on voulait que ça se passe bien. Après je reste convaincu a posteriori que nos enfants étaient jeunes, qu'ils ont eu des frères et soeurs chacun à 12 mois, 24 mois et qu'en fait c'était inscrit dans l'histoire et à ces âges là on se rend pas compte, on a pas de repères dans le temps, moins de repères dans l’espace. En fait le bébé n'était pas là la veille, il était là le lendemain et c'était dans la suite logique des choses et nos enfants ne nous ont pas fait payer donc c'était vraiment simple pour ça.
Après quand nos enfants étaient tout juste nés, on a vraiment passé énormément de temps avec nos enfants plus grands pour vraiment continuer à maintenir cette présence et être là. On a été aidés parce que cette nounou était présente pour les enfants tout comme nous l’étions, donc je pense qu'ils ont eu leurs repères. On les mettait au centre avec le bébé, bien entendu, mais le bébé parce qu'il est jeune et parce qu'il est petit même s'il demande beaucoup de soin et d'attention ça nous a quand même permis d'être auprès d’eux !
Est-ce que tu as des petits trucs très concrets, très pratiques à partager aux personnes qui s'apprête à avoir un enfant ou un 2ème, 3ème…?
Je dirais de ne pas trop appréhender et si vous l’appréhendez, le faire dans la sérénité et ça se passera bien ! C'est merveilleux de pouvoir avoir des fratries, c'est merveilleux de pouvoir continuer à avoir d'autres enfants et voilà dans la sérénité et sans appréhension les choses se feront ! Elles seront peut-être plus compliquées pour certaines avec des enfants qui réagiront mal à la venue d'un deuxième mais il faut se faire beaucoup confiance et s’écouter. Je pense que nous, parents, on est les seuls à comprendre et ressentir ce qu'il y a de plus profond de nos enfants, un comportement anormal qui va tout de suite nous alerter, un malaise... Donc voilà, il faut rester très à l'écoute de soi, à l'écoute de ses enfants et je pense qu'il faut s'accorder un soin vraiment particulier pendant sa grossesse et surtout après, parce que les mois après la grossesse autour du bébé sont éreintant. Il faut sans cesse se recentrer sur soi parce qu’on est le socle et si le socle ne va pas bien, le reste n'est pas bien. Ça c'est quelque chose en tant que femme active que j'ai eu du mal à faire, on se dit que ça va ! Je suis un petit peu fatigué mais ça va, j'ai mal partout mais ça va. À un moment il faut vraiment se recentrer sur ça et c'est très dur de lâcher prise, c'est très dur de dire : « je lâche prise, je confie mes enfants deux heures à quelqu'un d'autre pour me reposer ». C’est excessivement difficile de le faire quand on a des enfants, en tout cas pour ma part c'est eux qui passent avant et je trouve ça normal et savoir dire non aussi aux événements extérieurs, la famille parfois très présente, les amis. C'est difficile en fait de dire non à tout ça parce que c'est un bonheur immense, on a envie de partager avec les autres, en tout cas c'était mon cas. Pour notre premier notamment, on est reparti en France quand il avait tout juste 3 semaines parce qu'évidemment on voulait inonder nos familles, nos amis de notre bonheur et en fait c'était la folie furieuse : beaucoup de travail et beaucoup de fatigue et c'est important de se recentrer sur soi.
Avant de passer à ton dernier accouchement en France, est-ce que tes enfants parlent Chinois, parce que tu me dis que ton mari et toi vous parlez, et est-ce qu'ils vont garder ça en France ?
Nos enfants parlent Chinois couramment grâce à leur nounou Chinoises, à l'environnement qui les entouraient et ils parlaient aussi anglais parce qu'il était dans une preschool qui était en anglais. Nos enfants étaient quasiment bilingues, en tout cas pour les deux aînés, quand nous sommes arrivés en France et tout s'est évaporé en deux mois ! C’est très frustrant et très décourageant, ils n'auront pas bénéficié de cette expérience et a posteriori l'anglais et le chinois leur est complètement étranger et c’est vraiment déconcertant ! C'est rigolo d’essayer de leur parler, ils sont vraiment perdus, en revanche je suis certaine que grâce à ça, ça facilitera leur apprentissage des langues.
Ton dernier accouchement s'est déroulé dans un contexte un peu particulier, est-ce que tu veux nous raconter pourquoi tu as pas accouché en Chine ?
Oui alors je vais essayer d'être brève déjà ce quatrième enfant, début de grossesse un peu compliqué puisque j'apprends que j'ai la toxoplasmose, pour un quatrième je me dis : « Ok, où est-ce que j'ai pas fais attention ? », je pensais être rodé mais en fait non. C’est une pathologie très méconnue en Chine donc on me le décode dans l'hôpital américain dans lequel je suis suivi et on m'explique qu’ils n'ont pas les outils pour mesurer le degré de gravité, en d'autres mots pour faire l’amniocentèse et pour déterminer le début de la toxoplasmose et savoir si ça à traverser le placenta et si c'est dans le liquide amniotique et donc au contact du bébé.
Du coup on m'explique que mon hôpital américain, par le biais d’une infirmière, va m’accompagner en consultation dans un hôpital public. Je vais dans l'hôpital de la fertilité et des enfants en Chine à Shanghai accompagnée par une infirmière notre hôpital américain et là j'étais seule sans mon mari. J'arrive dans une cour des miracles où je pense qu'on est dans une salle d'attente de 500 personnes, je prends un ticket, je passe 7 heures plus tard dans une pièce grande ouverte où on m'explique qu’on va me faire une prise de sang et puis qu'on verra. Donc j'attends littéralement toute une journée pour ça, dans l’angoisse, dans l'anxiété parce qu'on ne savait pas de quoi il s'agissait et on savait que ça pouvait être pas grave du tout si jamais la toxoplasmose n'avait pas traversé le placenta, ou alors si ça avait traversé le placenta c'était plus embêtant. On est dans cette inconnue la et trois semaines après je reviens pour le résultat et là on me dit que le bébé à 30% de chances d'avoir un problème. On m’a donc conseillé d’avorter et ça remis dans son contexte on le comprends beaucoup mieux, il y a qu’un seul enfant en Chine on se rate pas en fait sur cet enfant là.
Là a commencé le bal des coups de fil aux médecins français étant en Chine c’est absolument pas pratique et donc j'ai décidé de faire un premier aller-retour pour aller voir un spécialiste de la toxoplasmose en France. Il m'a dit effectivement il y a des risques, il faut faire une amniocentèse et donc du coup voilà en l'espace de 1 mois et demi j'ai fait trois allers-retours en France pour vérifier ça en laissant mes enfants en chine seuls, c'était vraiment très désagréable comme comme début de grossesse. Heureusement l’amniocentèse est revenue négative : pas de toxoplasmose dans le liquide amniotique donc tout va bien. En France il y a un protocole d’accouchement très particulier pour la toxoplasmose donc du coup il faut potentiellement que j'aille accoucher en France alors qu'on habitait en Chine et qu’il n’y avait pas de Covid ni de rapatriement évoqué à ce moment là. Du coup se pose la question de savoir : est-ce que je rentre accoucher en France alors que tous nos enfants sont scolarisés ou gardés en Chine, nous habitons en Chine, on a pas de repli en France à part d'aller chez nos parents respectifs. Est-ce qu’on chamboule toute notre vie pour rentrer deux mois en France le temps de l'accouchement ? Bref les conseils qu'on a des médecins français nous amènent à prendre la décision de finalement accoucher en Chine et de revenir très vite après l'accouchement en France faire des examens complémentaires qu’ils ne savent pas faire en Chine.
Je devais accoucher pour fin mars 2020, nous sommes donc le 23 janvier 2020 : le nouvel an chinois vient tout juste de commencer en Chine et la ville de Wuhan vient de se confiner pour une maladie qui tue, qui est agressive mais on n'en sait pas plus. À l'époque on est en vacances de nouvel an chinois, pas mécontents d'être avec nos enfants à la maison, l’air est assez pollué donc on reste beaucoup à la maison, il fait plutôt froid et voilà c’est des staycations somme toute assez agréable ! Malheureusement on vit au gré de cette maladie qui progresse en Chine, commencent à venir le nombre de cas, le nombre de morts et très vite ça dégringole et c'est l’hécatombe. On comprend pas vraiment parce que les messages du gouvernement Chinois sont peu précis en fait et on comprend pas tout à fait, puis là on commence à avoir des mots de nos bureaux respectifs et des écoles comme quoi les vacances du nouvel an chinois sont prolongées pour 1 semaine, 2 semaines puis 3 semaines.
Quand on voit que les écoles sont fermées pendant trois semaines, on va pas laisser les enfants dans un appartement ça va pas être possible donc à ce moment là on réserve à la hâte un vol pour Phuket dans des hôtels qui nous permettent de bosser en parallèle et d'avoir les enfants pris en charge. Phuket était une île de Thaïlande suffisamment internationale avec un hôpital qui pouvaient nous mettre en confiance si jamais il y avait un problème avec le bébé. Nous partons donc à Phuket pour 10 jours et puis la situation se dégrade et on vit un moment hyper compliqué parce qu'on est ambitieux : on est dans une chambre de 20 m² avec nos trois enfants, à nouveau enceinte de sept mois et demi, on sait pas ce qui se passe on comprend pas, nos familles nous appelle « rentrez en France, vous ne rendez pas compte ! ». Je me rappelle d'une phrase qui disait : « vous voyez au loin le tsunami arriver mais vous n'êtes pas encore dedans », je me rappelle de cette phrase qui en fait est tellement vrai. Donc on prend tout ça un peu à la légère mais on est quand même concernés, on sait pas vraiment quoi faire donc j'appelle l'hôpital et je me rends compte que tout le monde est parti, mon médecin qui était américain est parti, il a un remplaçant Chinois mais évidemment je suis pas en confiance parce qu’ils parlent pas forcément très bien anglais. Par la force des choses on rentre en France le 10 février 2020 et avec dans nos valises trois maillots de bain, un pantalon et c'est tout !
Je vais donc accoucher en France, je m'installe chez mes parents avec mes trois enfants dont j'ai la charge, mon mari va bosser. Moi je suis hyper flexible, je bosse un peu de la maison et je m'occupe des enfants, j’essaye de trouver des baby-sitters. Voilà on essaye de comprendre ce qui nous attend au fur et à mesure et là, le confinement tombe le 15 mars 2020. Mes parents ont la gentillesse de prendre nos trois aînés pour aller se confiner avec eux dans le sud-ouest de la France et nous laissent avec mon mari à Paris dans l’attente de cet enfant, qui ne saurait arriver et là j’attrape le covid, donc je suis à deux doigts d'accoucher avec le covid.
J'appelle mon gynécologue que je ne connaissais absolument pas, puisque ça faisait un mois qu’il me suivait, et qui me dit : « Ah bah si vous avez le covid, ça va être très compliqué, vous allez accoucher seule puis on va vous déclenchez, c'est beaucoup plus simple vous comprenez ». Donc là je me dis que c'est vraiment compliqué, je pense que j'aurais préféré accoucher en Chine je ne sais pas quoi penser et c'est vraiment un tremblement de terre. J'étais déjà à terme et donc là je vois le moment où fait je vais jamais à coucher parce que j'ai une anxiété telle et un degré de stress qui est énorme. Je vais accoucher sans mon mari et je trouvais ça vraiment compliqué, j'avais fait trois accouchements en Chine dans le même hôpital, je savais comment ça se passait. Donc voilà mon médecin fini par me rappeler en me disant : « écoutez là il faut vraiment qu'on vous accouche, vous êtes trop loin dans votre terme ». J'ai quand même accouché pour ce quatrième enfant le plus tard possible, tous mes autres enfants sont nés avant et donc mon médecin m’appelle : « Bon, bah c'est maintenant il faut vous veniez ». Donc là je m'agace et puis je me dis en fait de toute façon j'ai pas le choix, je vais y aller pour des raisons de planning c'était plus simple pour lui. Donc on discute un petit peu c'était pas une discussion facile et donc du coup je lui dis : « Ecoutez j'attends demain et si c'est pas là demain, je viens demain ». On s'accorde là dessus, ils s'arrangent et en fait trois heures après je suis en travail voilà et puis ça allait très vite avec ce moment désagréable de mon mari qui m'accompagne à la maison pendant mon travail, que je voulais évidemment faire le plus possible à la maison avec mon mari à côté. En fait très vite j'ai dit qu’il fallait que j’y aille, je n’en pouvais plus ! Donc mon mari m'emmène à l'hôpital et on se dit au revoir sur le parking et j'avais une sage-femme qui m'attendait à l'entrée du parking et c'était vraiment un moment comme dans les films, on se dit au revoir d'un geste de la main : bon courage et puis à dans trois jours quoi !
Je rentre, j'avais le covid encore une fois, donc du coup j'étais masqué, on me met une veste de protection et là moi qui a été en contraction de je pense de fins de travail, j'en pouvais plus, on me dit : « Surtout ne touchez pas les murs, je vous fait prendre un chemin un peu différent que le chemin classique ». Du coup je me retrouve dans des escaliers de service, en fait j'était une paria, il fallait que personne ne me touche. Là je rentre dans la salle d'accouchement directement avec mon manteau, ma valise, tout ça et j'ai une sage femme qui est là pour me suivre jusqu'à la fin de mon travail, qui a été en fait très rapide parce que j'étais déjà quasiment en train d’accoucher. J’accouche avec une seule personne et ensuite, le pédiatre et les personnes qui sont arrivées ensuite pour prendre soin de moi, avaient : double charlotte, double combi de protection, double surchaussures. Pendant ces 48 heures à l’hôpital, j'ai été vraiment considérée comme une paria et c'est assez compliqué. Avec mon bébé, comme j'avais le covid et qu’on ne connaissait absolument rien de cette maladie, j'ai gardé un masque pendant les deux premières semaines sachant que j’allaitais, je suis pas sûr en réalité que le masque ait fait vraiment barrière ! Mais j'ai fait mes premiers baisers à mon tout petit bébé au bout de 10 jours.
C'était une expérience très particulière et qui était pas rigolote sur le moment mais qui s'est très bien déroulée et encore une fois on était très bien accompagnés. On a fait les tests de la toxoplasmose et tout est bien qui finit bien, tout allait bien mais c'était une expérience qui nous a beaucoup remué. Nous ne sommes jamais retourné en Chine à part mon mari pour des raisons professionnelles, qui a eu après 5 échecs un visa pour rentrer et pour finir sa mission là-bas st ensuite rentrer. À la suite de la naissance de cet enfant là, on a été séparée cinq mois, donc je me suis retrouvé seule avec les quatre enfants à la maison en attendant que mon mari termine sa mission là-bas, donc tout ça c'était très compliqué.
On est très tristes d'avoir quitté la Chine, d'avoir quitté notre nounou à qui on a jamais dit au revoir et à partagé notre vie pendant cinq ans. Ce bébé est arrivé dans un chaos impossible et pourtant tout s'est bien passé c'était bien sûr une fatigue immense. La fatigue immense est venue du fait que ce soit bien sûr un nouveau né, mais surtout qu’on soit confinés avec les trois autres dans des conditions très particulières.
Ces enfants sont pleins de vie et vous redonne toujours beaucoup de courage, en tout cas ça on tenait. C'était très enrichissant et c'est une expérience forte qu'on a vécu et jamais j'aurais pensé que notre expérience en Chine, pays auquel on est tellement attachés, se serait terminée comme ça.
Avec trois enfants en bas âge, le covid confiné et un nourrisson, est-ce que tu as réussi à reprendre le travail ?
J'ai repris le travail de manière hyper flexible, je bossais deux jours par semaine une fois que les enfants sont rentrés en classe en septembre 2020, sachant que mon mari encore une fois était pas là. J'étais seule avec mes quatre enfants aidée d’une nounou française mais ce n'était pas simple. Je reprends uniquement cette année à plein temps parce que j'ai pas du tout pu le faire avant. J’avais la fatigue d'avoir les enfants tout le temps à charge, en plus de la fatigue et la frustration de ne pas réussir à bosser autant qu'on voudrait. C’était très lourd je trouve à gérer voilà et c'est compliqué.
Avec le recul je pense que je me dirais que j’aurais dû prendre le temps et m'arrêter pour m'occuper d’eux et être en paix avec moi même parce que c'est difficile de tout faire surtout quand ils sont quatre et si petits.
Bravo franchement toute cette description m'impressionne !
C’est gentil mais j'ai peu de mérite et surtout tout ça tient à l'accompagnement que j'ai eue de nos proches, de mon mari qui a été d'un soutien sans faille, très présent à chacune de nos grossesse et particulièrement pour la dernière et voilà on a été très entourées donc j'ai personnellement vraiment aucun mérite. C'est pas de la modestie, c'est que tout ça, ça marche parce qu'on est une équipe et c'est une équipe qui est pourtant de mise à rude épreuve les premiers mois de l’année !
Bravo je suis hyper impressionnée et touchée par ton histoire. Merci beaucoup d'avoir partagé ces histoires avec nous !
Diane : Merci Clémence de m'avoir fait revivre ces moments si fort !
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